Les vacances d'été sont ici et de nombreux Suisses prennent l'avion à cette occasion. Or, le secteur aérien est responsable de 3.5% du réchauffement climatique mondial. Le trafic aérien peut-il devenir climatiquement neutre d'ici 2050?
Des chercheurs de l'Institut Paul Scherrer (PSI) et de l'Ecole polytechniques fédérales de Zurich (EPFZ) ont calculé comment le trafic aérien pourrait devenir climatiquement neutre d'ici 2050. Leur conclusion : remplacer le kérosène fossile par un carburant artificiel et durable ne suffit pas. Une réduction du trafic aérien serait également nécessaire. Les chercheurs ont publié leurs résultats dans la revue spécialisée «Nature Communications», comme le communique l'Institut Paul Scherrer.
La Suisse et l'UE veulent atteindre la neutralité climatique d'ici 2050
L'UE doit atteindre la neutralité climatique d'ici 2050. C'est ce qu'a fixé le Parlement européen en 2021. La Suisse poursuit également cet objectif. Le secteur de l'aviation, qui est à l'origine de 3.5 % du réchauffement climatique mondial, doit y contribuer - d'autant plus que les émissions de gaz ayant un impact sur le climat sont deux à trois fois plus importantes dans l'aviation que dans les autres secteurs des transports, par personne ou par kilomètre de fret. L'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI) et de nombreuses compagnies aériennes ont donc annoncé leur intention de réduire à zéro les émissions de CO2 d'ici 2050 ou de viser la neutralité climatique.
Réduire les émissions de CO2 à zéro d'ici 2050
Dans une nouvelle étude, des chercheurs du PSI et de l'EPFZ ont calculé si et comment cela pourrait être atteint. «Une question importante est de savoir ce que l'on entend exactement par zéro CO2 ou neutralité climatique», explique Romain Sacchi du laboratoire d'analyse des systèmes énergétiques du PSI, l'un des deux principaux auteurs de l'étude. Selon Viola Becattini, de l'EPFZ et co-auteur de l'étude, si on ne parle que des émissions de CO2 des vols, cela ne prend pas en considération tous les aspects environnementaux. En effet, si on part du principe que le trafic aérien continuera à croître comme il l'a fait jusqu'à présent, les émissions de CO2 des vols ne représenteront, selon les calculs, environ 20% de l'effet climatique total d'ici 2050. Pour que l'ensemble du trafic aérien soit neutre pour le climat, il faudrait en effet que la production de carburant et l'ensemble de l'infrastructure aéronautique, en plus des vols, cessent de nuire au climat, résume Jan Berndorff.
Le trafic aérien doit être réduit
Selon l'étude, les mesures prises jusqu'à présent pour protéger le climat dans le secteur de l'aviation ne permettront toutefois pas d'atteindre cet objectif d'ici 2050. «De nouveaux moyens de propulsion, des carburants ménageant le climat et le filtrage du CO2 de l'atmosphère pour le stocker sous terre (Carbon Capture and Storage, CCS) ne nous permettront pas à eux seuls d'atteindre notre objectif», déclare Marco Mazzotti, professeur de génie des procédés à l'EPFZ. «Nous devons en plus réduire le trafic aérien.»
Le carburant respectueux du climat ne suffit pas à lui seul à atteindre l'objectif - mais il aide
«Avec le volume des vols, nous disposons d'un levier décisif», souligne Sacchi. «En volant moins au lieu de voler plus, c'est-à-dire en fermant pour ainsi dire le robinet au lieu de l'ouvrir, nous pouvons véritablement refroidir l'atmosphère et pousser l'effet de serre du trafic aérien vers zéro». Ce qui ne veut pas dire qu'il faut complètement arrêter le trafic aérien. Les calculs de l'étude le montrent: Si l'aviation veut atteindre la neutralité climatique d'ici 2050, elle doit - en complément avec le stockage de dioxyde de carbone dans le sous-sol - réduire le trafic aérien de 0.8% chaque année si elle s'en tient aux carburants fossiles. En 2050, il se situerait alors à environ 80% du volume actuel. Si l'on parvient à passer à des carburants plus respectueux du climat, basés sur l'électricité produite à partir d'énergies renouvelables, 0.4% par an suffira.
Les technologies de propulsion à base d'électricité ou d'hydrogène sont loin d'être prêtes à être utilisées à grande échelle dans l'aviation. C'est pourquoi le Sustainable Aviation Fuel (SAF) est considéré comme un grand espoir de la branche. Il s'agit d'un kérosène artificiel qui pourrait remplacer plus ou moins à l'identique le kérosène à base de pétrole, sans qu'il soit nécessaire de reconstruire les turbines et les avions. Mais le SAF a aussi un inconvénient : l'énergie nécessaire à sa production est bien plus importante que celle du kérosène traditionnel.
Prendre l'avion doit coûter beaucoup plus cher
L'utilisation généralisée de SAF rend possible des vols neutres en CO2, mais elle coûte plus de ressources et d'argent. Prendre l'avion coûtera donc encore plus cher que ce qui est déjà nécessaire pour atteindre les objectifs climatiques. «Celui qui achète un billet aujourd'hui peut prétendument rendre son vol neutre en CO2 contre un supplément de quelques euros, en investissant cet argent dans la protection du climat», explique Sacchi. «C'est toutefois de la poudre aux yeux, car beaucoup de ces mesures de compensation sont sans effet. Pour compenser intégralement l'impact climatique réel, un billet devrait coûter environ trois fois plus cher qu'aujourd'hui». «Une hausse de prix aussi violente devrait en effet faire baisser considérablement la demande de vols et nous rapprocher de l'objectif de neutralité climatique», ajoute Viola Becattini. En outre, on peut s'attendre à ce que la production de SAF devienne moins chère et plus efficace au fil des ans, à mesure que les quantités augmentent, ce qui aurait un effet positif sur le bilan climatique. L'étude a pris en compte de telles dynamiques - y compris le fait que le mix électrique utilisé pour la production de SAF évolue. C'est ce qui la distingue de la plupart des autres analyses.
Atteindre la neutralité climatique dans l'aviation est possible
«En fin de compte, il n'y a pas de remède miracle pour atteindre l'objectif de la neutralité climatique dans l'aviation d'ici 2050», déclare Sacchi. «Nous ne pouvons pas continuer comme avant. Mais si nous développons rapidement et efficacement les infrastructures de stockage souterrain du CO2 et de production de SAF, tout en limitant nos besoins en matière de transport aérien, nous pouvons y arriver.»
Source du texte: Jan Berndorff
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